Lien établi entre l’obésité et la dégénérescence maculaire

16 janvier 2023

Une étude publiée dans «Science» révèle que l’obésité perturbe l’architecture de l’ADN des cellules inflammatoires de l’œil et contribue au développement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge.

 

Une équipe de recherche  a élucidé un nouveau mécanisme moléculaire susceptible de provoquer la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Cette recherche, menée à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont à Montréal, décrit comment les facteurs de stress telle l’obésité reprogramment les cellules du système immunitaire et les rendent destructrices pour l’œil lors du vieillissement.

«Nous voulions savoir pourquoi certaines personnes ayant une prédisposition génétique à la DMLA sont affectées par la maladie alors que d’autres sont épargnées», souligne Przemyslaw (Mike) Sapieha. Celui-ci est professeur d’ophtalmologie à l’Université de Montréal et a dirigé l’étude réalisée par le Dr Masayuki Hata durant un récent stage postdoctoral au Centre de recherche de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

«Bien que des efforts considérables aient été faits en recherche pour comprendre les gènes responsables de la DMLA, les variations et les mutations des gènes de susceptibilité ne font qu’augmenter les risques de souffrir de la maladie, mais elles ne la provoquent pas, explique le Dr Sapieha. Cette observation donne à penser que d’autres facteurs tels que l’environnement et le mode de vie doivent être pris en considération dans l’équation.»

La DMLA est une cause majeure de cécité irréversible dans le monde et a touché environ 196 millions de personnes en 2020. Elle comporte deux formes distinctes:

• la DMLA sèche, qui se caractérise par l’accumulation de dépôts graisseux au fond de l’œil ainsi que la mort des cellules nerveuses de l’œil;

• la DMLA humide, qui se caractérise par des vaisseaux sanguins malades se multipliant dans la partie la plus sensible du tissu conférant la vue, appelée macula.

Le système immunitaire de l’œil

On sait déjà que le système immunitaire de l’œil d’une personne atteinte de DMLA est déréglé et agressif. Normalement, les cellules immunitaires maintiennent l’œil en bonne santé, mais le contact avec des agents pathogènes, tels que les bactéries et les virus, peut faire dérailler leur fonctionnement.

De façon parallèle, les cellules immunitaires sont également activées lorsque le corps humain est exposé à des facteurs de stress tels que l’excès de graisse lié à l’obésité. Le surpoids est de fait le deuxième facteur de risque non génétique de DMLA, le premier étant le tabagisme.

Dans le cadre de leur expérimentation, les Drs Sapieha et Hata ont utilisé l’obésité comme modèle pour accélérer et exagérer les facteurs de stress subis par l’organisme tout au long de la vie.

Ils ont découvert que l’obésité transitoire ou des antécédents d’obésité entraînent des modifications persistantes de l’architecture de l’ADN dans les cellules immunitaires, ce qui les rend plus susceptibles de produire des molécules inflammatoires.

«Nos résultats fournissent des informations importantes sur la biologie des cellules immunitaires à l’origine de la DMLA et permettront de mettre au point des traitements plus adaptés à l’avenir», conclut le Dr Hata, qui est maintenant professeur d’ophtalmologie à l’Université de Kyoto.

Les chercheurs espèrent que leur découverte incitera d’autres scientifiques à pousser leurs travaux au-delà des maladies liées à l’obésité pour s’intéresser à d’autres affections caractérisées par une neuro-inflammation accrue, comme la maladie d’Alzheimer ou la sclérose en plaques.

À propos de cette étude

L’article «Past history of obesity triggers persistent epigenetic changes in innate immunity and exacerbates neuroinflammation», par Mike Sapieha, Masayuki Hata et leurs collaborateurs, a été publié le 6 janvier 2023 dans la revue Science.

Mike Sapieha est directeur de l’unité de recherche des maladies neurovasculaires oculaires du Centre de recherche de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, associé au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. Il est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biologie cellulaire de la rétine et de la Chaire du Fonds de recherche en ophtalmologie de l’Université de Montréal, et de la Bourse professorale Wolfe de recherche translationnelle en vision.

Masayuki Hata était stagiaire postdoctoral au laboratoire de Mike Sapieha. Il est aujourd’hui professeur associé au département d’ophtalmologie et des sciences visuelles de l’école supérieure de médecine de l’Université de Kyoto.